Versailles baroque aujourd'hui disparu (39 visuels)

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Avant de devenir le lieu du pouvoir et d’incarner le classicisme français, Versailles fut une résidence d’agrément, éphémère et fragile, dont il ne reste quasiment plus rien aujourd’hui.

Pure objet de culture, Versailles défie la nature, le néant, le vide. D’un terrain vague, un petit château sans vue, un homme a fait un chef d’oeuvre par le simple fait de la volonté. Enfin, ça, c’est la légende répétée et amplifiée à l’envie depuis Saint Simon qui jamais ne compris le choix consistant à délaisser Saint Germain, « lieu unique pour rassembler les merveilles de la vue », « par la beauté de ses arbres, de son terrain, de sa situation, l’avantage et la facilité des eaux de source sur cette élévation » pour Versailles « le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, sans terre ».

En réalité, le choix ne s’est jamais posé en ces termes. Louis XIV n’a eu, au départ, aucune ambition pour Versailles, sinon celle peut-être de concevoir une garçonnière, la première résidence secondaire d’un roi. Versailles sera d’abord l’art de la fête, la beauté de l’éphémère. Nul besoin d’opéra, de salle de bal ou de théâtre, les jardins sont tout cela à la fois. C’est par le biais des invitations à Versailles et au déroulement proprement dit des spectacles que le roi joue des rivalités attise les jalousies, distingue les uns, disgracie les autres. « Ce qui plait souverainement, écrit la marquise de Sévigné, c’est de vivre quatre heures entières avec le souverain, être dans ses plaisirs et lui dans les nôtres. » Que reste-t-il du domaine des années 1660-1670 ? Moins qu’on ne pense et plus qu’on ne croit. D’abord rendons à Le Nôtre ce qui lui revient. Lorsque celui-ci arrive sur les lieux en 1661, la trame des jardins est pour l’essentiel en place. Il conserve la superficie carrée et l’allée centrale descendant du château jusqu’au parterre de l’Ovale qui deviendra le parterre de Latone. Il prolonge l’allée centrale jusqu’au bassin des Cygnes (futur bassin d’Apollon) puis par un canal. La création de deux parterres de part d’autre du château, l’un de gazon, l’autre en buis rehaussé de minéraux de couleurs vives, renforce quant à elle un axe transversale. Au nord, le parterre suit l’inclinaison du terrain et mène à un grand bassin, le Rondeau (futur bassin du Dragon). Au sud, le parterre est situé sur une terrasse qui recouvre l’orangerie construite par Le Vau qui sera remplacée par celle de Hardouin-Mansart close d’une simple balustrade en lieu et place d’un mur. Des grands plans d’eau commencent à ponctuer les perspectives : le bassin de l’Ovale (Latone), le bassin des Cygnes (Apollon), le Rondeau (bassin du Dragon) sans oublier l’ébauche du Grand Canal. Après C’est le bosquet de la Girandole et le bosquet du Dauphin, l’essentiel des bosquet sont aménagés dans les années 70, les deux derniers datant de 1680. Beaucoup seront remplacés mais ils fixent des formes et des emplacements qui ne bougeront plus par la suite. Pour le reste, tout est différent.

Moins qu’on ne pense car la majorité des bosquets du maitre ont disparu ou ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes.

Jusqu’en 1680, Louis XIV règne sur la France depuis Paris et Fontainebleau avant de s’installer à Saint-Germain. Dans ses plus jeunes années, le jeune roi ne se rend à Versailles que pour y chasser et s’y détendre. Une de ses premières initiatives consiste d’ailleurs à créer un nouveau parc clos de 700 hectares incluant le ville de Trianon.

Devenu seul maître à bord après la mort de Mazarin, le roi souligne l’importance des divertissements royaux dans un traité destiné au Dauphin par la nécessite d’impressionner et de séduire la noblesse comme le peuple. Versailles ne sera pas le seul lieu où cette stratégie de la fête érigée en outil politique sera mise en oeuvre mais ce sera celui où elle prendra les formes les plus exceptionnelles. 

Jusque-là, il n’existait que trois genres de fêtes : L’entrée royale, le carrousel et, de loin le plus courant, le ballet de cour.

L’entrée royale est un rituel habituel pour les mariages royaux comprenant l’accueil de l’hôte devant les murs, la présentation et les harangues des corps de notables, la remise des clés, la progression dans la ville aux milieux des décorations triomphales, la messe suivie d’un Te Deum, le banquet. La question du rang dans le cortège constitue une affaire centrale. Après avoir dû céder la préséance aux princes du sang au XVIe siècle, les ducs et pairs  menacés de passer après les princes des maisons d’origine étrangère, s’abstiennent de figurer dans le cortège pour éviter ce qu’il considère comme une humiliation.

C’est à Henri IV que l’on doit l’organisation des deux premiers carrousels français. Le premier a lieu en 1605 à l’hôtel de Bourgogne, le second l’année suivante au Louvre. Après l’assassinat de son époux, Marie de Médicis en organise un troisième particulièrement spectaculaire, place Royale, pour fêter les noces de son fils et de sa fille avec les enfants du roi d’Espagne. Considérée comme « le spectacle le plus riche et le plus noble qui se soit vu depuis longtemps en Europe », cette fête agrémentée de décors et de nombreux chars d’inspiration italienne aurait attiré pendant les trois jours de sa durée pas moins de soixante-dix mille personnes.

Le ballet de cour en France remonte au Ballet comique de la Reine créé en 1581 par un Italien à la cour de Catherine de Médicis. Le monarque s’y produit souvent, au sens où l’on dit d’un comédien qu’il se produit sur scène. À l’instar de son père Louis XIII, qui se plaisait à régler lui-même les ballets, le jeune souverain s’entraînait régulièrement et, depuis l’âge de treize ans, se produisait dans des spectacles à la cour. En février 1653, le jeune roi entouré des plus hautes personnalités de la cour, comme Monsieur, le duc d’York et le duc de Buckingham, et de danseurs professionnels, dont Beauchamps, Des-Airs, Mollier et Lully, interprète six rôles, dont à la fin celui d’Apollon, le dieu du soleil et des arts.

C’est à Versailles qu’a lieu en 1664 le premier divertissement royal : « Les Plaisirs de l’Isle enchantée« . Si le programme prévoit encore des jeux équestres à l’instar du carrousel organisé en 1662 aux Tuileries, ce seront les derniers. A Versailles – comme à Saint-Germain ou de façon beaucoup plus épisodique dans d’autres résidences royales -, le théâtre et la musique deviennent les genres dominants. Pour le roi et sa cour, il ne s’agit plus de témoigner de leur adresse guerrière. Il devient plus important de prouver sa capacité à maitriser son corps, sa gestuelle et sa parole.

Cet exercice trouve son mode d’expression dans une nouvelle forme de théâtre : la comédie-ballet. Le genre a surgi dans l’esprit de Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, par hasard et par nécessité. Afin de donner aux comédiens le temps de changer de costume sans rompre le fil de l’action, des danses ont lieu entre les actes. Molière écrit les paroles  et conçoit la mise en scène, Lully compose la musique et conçoit la chorégraphie. Le roi qui aime la danse plus que tout est conquis par le premier exemple de ce nouveau genre lors de la réception donnée par Fouquet en 1661 : Les Fâcheux. En 1664, les deux hommes la jouent de nouveau ainsi que deux autres pièces de ce nouveau genre : La Princesse d’Élide et Le Mariage forcé. En 1668, deux mille spectateurs assistent à George Dandin ou le Mari confondu, nouvelle comédie-ballet de Molière et de Lully. Présentée devant le roi en 1670, à Chambord, l’oeuvre de Molière «Le Bourgeois gentilhomme» consacre le succès de la comédie-ballet, reconnue comme un genre accompli, à la fois dramatique, musical et chorégraphique. En 1674, les fêtes du « Divertissement » voit une diversification des genres et des auteurs. Outre la dernière comédie-ballet de Molière (mort l’année précédente) et de Marc-Antoine Charpentier, Le malade imaginaire, les invités assistent à Iphigénie, une tragédie de Racine, une pastorale de Lully et Quinault, La Grotte deVersailles, donnée pour la première fois en 1668, peut-être pendant le séjour de la cour du 21 au 30 avril, pour célébrer la Grotte de Thétis édifiée deux ans plus tôt sans oublier Alceste, ou le Triomphe d’Alcide, une tragédie lyrique, un nouveau genre que Lully crée avec Philippe Quinault l’année précédente.

La modestie du château n’autorise que quelques privilégiés à se joindre à lui ainsi qu’en témoigne sa cousine Mlle de Montpensier : « On fit un petit voyage de cinq à six jours à Versailles, où il y avait très peu de monde, qui fut fort agréable. On était du matin jusqu’au soir avec le roi. Pour ma part, j’en étais fort aise, ne m’ennuyant point où il est. »

  • Fêtes de plein air

Pour accueillir une assistance nombreuse, les fêtes se déroulent en plein air à la veille de l’été. Les représentations sont données dans la cour de marbre ou dans les jardins. De nuit, un dais de toile est tendu pour protéger les flambeaux et bougies du vent.

Collations, souper et concert et promenades se déroulent dans des lieux nouvellement créés ou en cours d’aménagement. Lors du Grand divertissement de 1668, les invités se déplacent ainsi du bosquet de l’Étoile, à l’emplacement du futur bassin de Saturne, puis du futur bassin de Flore, et enfin du futur bassin de Cérès. En 1674, la fête se déroule dans les bosquets du Marais, de la Girandole, de la Salle des Festins et du Théâtre d’Eau ainsi qu’à la Ménagerie, dans les jardins de Trianon et sur le Grand Canal.

Les collations, notamment, donnent lieu à d’extraordinaires mises en scène. Celle de la première nuit des Plaisirs est servie par des serviteurs masqués à la lueur de flambeaux de cire blanche, de chandeliers argentés et verts avant que d’autres serviteurs travestis en jardiniers, en moissonneurs, en vendangeurs et en vieillards gelés par l’hiver n’entrent en scène. L’abondance des plats et l’inventivité visuelle priment sur toute autre considération. Des grands bassins de fruits, de confiture, de glace sont disposés sur la table derrière laquelle siège la famille royale. La collation se termine par une danse des douze signes du zodiac et des quatre saisons sous les yeux de Pan et Diane juchés sur un petit rocher.

  • Un art d’illusion

Le « merveilleux », élément fondamental de comédie-ballet et de la tragédie lyrique, permet de multiplier les effets de machineries pour mettre en scène dieux et héros, monstres et phénomènes naturels (descente des cieux de Jupiter, vol de Mercure, chute de Phaéton, descente aux Enfers, tremblements de terre, etc.). A Versailles comme à Paris ou à Saint-Germain, à Munich ou à Vienne, les machinistes italiens sont les maîtres des effets spéciaux. Vigarani est le grand maître des illusions. En 1664, la Princesse d’Elide fait surgir des planches un arbre chargé de seize faunes musiciens surgit sur scène tandis que succède au char d’Apollon un monstre marin et deux baleines flottant sur l’eau et montés par trois comédiennes, dont Armande Béjart, la femme de Molière. Le Favori de Mademoiselle Desjardins  est donné à Versailles dans un décor baroque fastueux : portiques, perspectives, lustres en cristal… En 1668, Georges Dandin se déroule dans un décor de jardin avec rocaille et jeux d’eau. Dans le dernier acte, la décoration du théâtre se trouve changée en un instant. Les jets d’eau disparaissent tandis qu’apparaissent « de grandes roches entremêlées d’arbres où l’on voit plusieurs bergers qui chantent et qui jouent de toutes sortes d’instruments ».

  • Quand le roi se met en scène

Très jeune, Louis XIV témoigne d’un goût prononcé pour le théâtre et la danse. A quatorze ans, il joue le rôle du dieu Apollon dans  Ballet royal de la nuit pour célébrer l’écrasement de la  Fronde. Après avoir fait son apparition sur scène par une trappe, habillé tout en or, il danse avec d’autres seigneurs qui représentant les génies (ou vertus) accompagnent le levé du soleil et lui rendent hommage.

Dès les Plaisirs de l’île enchantée, le roi se donne en spectacle, notamment lors de la première journée. Précédé d’un héraut d’armes vêtu à l’antique, de trois pages dont celui du roi, M. d’Artagnan, de huit trompettes et de huit timbaliers, il défile en déguisement grec, sur un cheval au harnais couvert d’or et de pierreries, à la tête d’un cortège de quarante-huit personnes incarnant les quatre saisons.

Le roi renverse l’ordre du temps en créant « un nouveau jour dans l’obscurité de la nuit » et se montre même supérieur à la nature puisque la lumière qu’il installe donne « une clarté plus agréable que celle du jour ». Parce que la lumière est artificielle, voire contre-nature, elle fait du roi un magicien et de la fête un enchantement.

En février 1670, le plus illustre danseur du royaume se blesse en interprétant le dieu des arts dans «Les Amants magnifiques ». A 36 ans, il ne sera plus l’étoile de la Cour. Désormais, il va s’asseoir et regarder le spectacle.

  • Feux d’artifice

En France, les premiers feux semblent avoir été organisés en 1606 à l’occasion du baptême du futur Louis XIII  puis en 1615, à l’occasion de son mariage avec Anne d’Autriche. A Versailles, le règne est ponctué par plusieurs feux d’artifice mémorables : le 9 mai 1664 lors des « Plaisirs de l’Ile enchantée », le 18 juin 1668 lors du « Grand divertissement », les 28 juillet et 18 aout 1674 à l’occasion du « Divertissement de Versailles ». Avant l’avènement de la chimie moderne au XIXème siècle, les feux d’artifice étaient principalement jaunes ou blancs.

  • Faire mais aussi faire savoir

La publicité qui en est faite assure à ces fêtes une renommée inégalée à l’époque. Molière relate Les Plaisirs de l’Isle enchantée, le graveur Sylvestre les représente…

  • Italie : modèle et repoussoir

À partir du milieu du xviie siècle et jusqu’à la Révolution française, de nombreux talents, nés au Nord et au Centre de l’Italie, sont conduits à quitter leur patrie pour poursuivre leur activité professionnelle dans d’autres États d’Europe. Des peintres, des architectes, des scénographes, des compositeurs et des chanteurs venant de Bologne, de Modène, de Venise, de Florence ou de Rome arrivent à Paris dès 1645. Dès le début du XVIIe siècle, le Florentin Tommaso Francini, hydraulicien et machiniste des ballets donnés sous Louis XIII, s’y est établi, permettant ainsi à son fils François d’exercer dans les jardins de Versailles une activité de fontainier sous le nom de Francine. Les artificiers, les décorateurs de théâtre et de fêtes, en particulier, sont très recherchés. après la mort du cardinal, un bon nombre d’entre eux doivent regagner leur pays d’origine en raison d’une réaction hostile à la musique italienne, qu’on observe dès 1662 après la création de l’Ercole amante de Francesco Cavalli dans la salle des machines des Tuileries. Le Florentin Lully, devenu le compositeur favori de Louis XIV, échappe toutefois à cet exode, étant parvenu à adapter son art au goût de la nation qui l’a accueilli. Cette démarche lui vaut également d’attirer de sa ville natale, pour former son orchestre, Giovanni Theobaldo di Gatti. Pour mieux s’intégrer dans la société qu’il est appelé à côtoyer, Lully ne manque pas d’épouser une Française, Madeleine Lambert, fille d’un célèbre auteur de pièces vocales, Michel Lambert, après avoir obtenu du roi des lettres de naturalité. C’est la voie que suivent les scénographes Giacomo Torelli et Carlo Vigarani, quand ils exercent leurs talents à la cour de France. Le premier, né à Fano dans les Marches, s’est illustré à Venise avant de remporter, dès son arrivée à Paris en 1645, un véritable triomphe au théâtre du Petit Bourbon par ses surprenantes machines et de nouvelles techniques pour changer les décors à vue. En 1654, après les représentations des Nozze di Peleo e di Theti, opéra de Carlo Caproli « entremêlé » d’un ballet au cours duquel danse Louis XIV, il reçoit des lettres de naturalité et se marie six ans plus tard avec Françoise Sué. Malgré ces précautions, il est compromis dès 1661 dans l’affaire Fouquet et doit, après la fête de Vaux à laquelle il a apporté son concours, regagner Fano où il finira ses jours.

Originaire de Modène, Carlo Vigarani est plus chanceux, malgré une hostilité durable à l’égard des Italiens et les critiques du Bernin lors du séjour de ce dernier à Paris en 1665. Exact contemporain de Louis XIV, il bénéficie de sa protection en devenant le principal décorateur des grandes fêtes de Versailles. En 1673, il obtient des lettres de naturalité et est uni en 1676 à une personne de son rang social, Marie-Marguerite Dubois de Montmoreau. Ce mariage lui permettant d’acquérir la seigneurie de Saint-Ouen près d’Amboise déplaît cependant à sa famille restée en Italie, qui le considère désormais comme un étranger. Par cet engagement, il renonce également à tout espoir de succéder à son père dans la charge de surintendant des bâtiments et de grand maître des eaux et forêts du duché de Modène. L’attractivité qu’exercent de hautes responsabilités en France demeure donc prépondérante.

Sous Louis XIV, l’art français entend s’affranchir de l’art italien à qui il doit tant depuis la renaissance. La naissance de la tragédie lyrique en est un excellent exemple. Lorsqu’en 1669, un certain Perrin obtient, par ordonnance royale, le privilège exclusif de fonder une Académie de musique consacrée à l’opéra, Jean-Baptiste Lully, Surintendant de la musique du roi, s’esclaffe et jure à qui veut l’entendre que l’opéra est impensable en France, car le public parisien n’acceptera jamais une pièce chantée de bout en bout. Il faut dire que les efforts de Mazarin pour introduire l’opéra en France n’ont guère été fructueux : lors de « L’Orfeo » de Luigi Rossi, en 1647, on a surtout admiré les « machines » du sorcier Torelli, et lors de « L’Ercole Amante » de Cavalli, en 1662, on a surtout applaudi…les intermèdes dansés de Lully. Après son accident, le roi arrête de danser. Le ballet de cour perd sa fonction symbolique et politique. Aussi lorsque Perrin se voit contraint de vendre sa charge pour cause de dette, Lully la rachète en 1673 avec le soutien de Colbert. Pour Lully, il s’agit d’inventer ni plus ni moins un opéra français un peu moins d’un siècle après l’Orféo. Alors que l’opéra italien met en valeur la musique, et surtout le chant soliste, la tragédie lyrique met sur un pied d’égalité l’ensemble de ses composantes : le texte (en vers), les décors, les costumes, la musique, la danse, les « machines », les lumières, etc..  Afin de favoriser les coeurs et la danse, un divertissement est inséré dans chacun des cinq actes. Ce divertissement est censé s’intégrer à l’action. Mais souvent, son utilité est faible, voir quasiment nulle. Si elle comporte également cinq actes, la tragédie lyrique se distingue de la tragédie classique en incluant des scènes comiques et en ignorant l’unité de temps ni de lieu – on aime les changements de décor à vue – et en privilégiant intervention du merveilleux.  On aime voir une divinité descendre sur un nuage, Médée s’envoler sur un char ou sur un dragon, une tempête faire couler un navire, etc. D’un point de vue matériel, la tragédie lyrique est l’univers des machineries.

  • Saint-Germain

Henri II, qui est né dans le Château-Vieux de Saint-Germain construit par François Ier, n’aime pas son aspect de forteresse. C’est à côté d’une ménagerie qu’il avait fait construire onze ans plus tôt 29 que Henri II qu’il choisit d’édifier sa résidence de plaisance, en bordure de falaise. L’achèvement se fait sous le règne d’Henri IV qui fait construire la Rampe des Grottes. Elle permettait de remonter du bas des jardins disposés en terrasses vers le château-neuf. Sous les terrasses, se trouvaient sept grottes dans lesquelles des divertissements hydrauliques faisaient la joie du Roi et des visiteurs.  Les techniques utilisées sont très surprenantes pour l’époque. Henri IV y emmène  notamment les dames de la cour. Le Château-Neuf fut pour le jeune Louis XIII son lieu de promenade le plus habituel mais “les grottes lui inspiraient une terreur particulière et il demandait qu’on lui remît les clefs par crainte qu’on ne l’enfermât”. On travaille à des embellissements ou à des entretiens partiels, de temps à autre entre 1610 et 1643, année de la mort de Louis XIII. Ce sont Thomas et Alexandre Francini, ingénieurs et artistes qui en ont conçu l’ensemble. A titre d’exemple, la Grotte du Dragon était « animée par un dragon furieux qui battait des ailes en vomissant des torrents d’eau… »

Une volière décorée d’une belle fontaine, abrite autruches, grues, hérons, goélands, paons, faisans, etc.

La terrasse de soubassement est aménagée avec de multiples grottes renfermant des automates actionnés par l’eau : on peut y voir Orphée jouant sur une viole, ce qui attire les animaux, qui se déplacent. On y voit également le char de Neptune. Des jets d’eau permettent éventuellement d’arroser les spectateurs (un grand plaisir d’Henri IV, paraît-il). Ces aménagements sont dus à une famille d’ingénieurs hydrauliciens italiens qui seront chargés du même travail dans le parc de Versailles.

En 1661, devenu roi de plein exercice après la mort du cardinal Mazarin, Louis XIV décide de fixer son gouvernement à Saint-Germain. A la mort d’Anne d’Autriche (1666) Louis XIV revient s’installer au Château-Vieux de Saint-Germain. Jusqu’en 1682, il y passe la plus grande partie de son temps. En 1682, les nuisances provoquées par l’adjonction de pavillons aux cinq angles le décident à déménager pour Versailles.

Jardins et terrasses sont dessinés par Le Nôtre. De 1669 à 1673, il fait aménager l’immense terrasse nord-sud qui, sur 2,4 km de long, surplombe la vallée de la Seine.

Molière donne dans la salle de Mars, transformée en théâtre et rebaptisée salle des Comédies, les premières représentations de l’Avare et du Bourgeois Gentilhomme.

Le Roi joue en personne à la fois les rôle du berger, du roi Cyrus, et d’une nymphe, le  » Ballet des Comédies  » dans la  » salle des Comédies  » du château, créé en partie par les deux Baptiste.  » Il y a tous les soirs, des bals, des comédies ou des mascarades à Saint-Germain  » écrit Madame de Sévigné le 13 janvier 1672.

Un autre Versailles

Vue d’ensemble, 1668

Le château d’abord. Louis XIV est un absolutiste de la décision. A chaque fonction unhomme, et un seul. Colbert, obéissant, choisit un homme-clé pour chaque poste. De même qu’il ne saurait y avoir deux Lebrun ou deux Le Nôtre, il ne peut y avoir deux architectes. La vue du Château réalisée par le peintre Pierre Patel figure Versailles tel qu’il se présente aux beaux jours de 1668. Plus de sept ans de travaux ont transformé le modeste relai de chasse en demeure somptueuse quoi que de taille encore modeste. Côté ville, Louis Le Vau agrandit les fenêtres du bel étage du château de Louis XIII, ceint édifice d’un balcon de fer forgé vert et dorée, enrichit les toitures d’ornements là encore dorés. Côté jardin, l’enveloppe de pierre blanche entoure le château primitif et laisse ouverte une terrasse au 1er étage. À l’esthétique française des toits en ardoise, Le Vau privilégie l’esthétique italienne d’une couverture invisible derrière une balustrade ornée de trophées et de pots-à-feu, une esthétique qui sera reprise et étendue dans les ailes par son successeur Hardouin-Mansart. Le château semble alors avoir trouvé son point d’équilibre.

Les jardins d’André Le Nôtre ont alors un caractère fantasque qu’ils perdront par la suite.

Dans les jardins, André Le Nôtre conçoit avec Perrault :

  • le bosquet du Labyrinthe en 1668 et terminé en 1680 – côté Midi
  • le bosquet du Marais en 1670 – côté Nord (auj. Bosquet des Bains d’Apollon)

Seul, il dessine :

  • le bosquet du Théâtre d’Eau (anc. Rond vert, Nouveau bosquet du Théâtre d’eau) en 1671, détruit en 1775
  • le bosquet de l’Etoile en 1666 transformé en bosquet de la Montagne d’Eau en 1671 simplifié dès le début du XVIIIe siècle
  • le bosquet de la Salle du Conseil (dite aussi Salle des Festins) en 1671, entièrement repris par Jules Hardouin-Mansart en 1705-1706
  • le bosquet du Pavillon d’Eau en 1672, remplacé par le bosquet de l’Arc de triomphe à partir de 1677
  • le bosquet des Bains d’Apollon en 1675 (avant de devenir b. de la Renommée, puis bosquet des Dômes) en 1677-78
  • le bosquet de l’Encelade en 1675
  • le bosquet des Trois fontaines en 1677
  • le bosquet des Sources en 1679
  • la Galerie des Antiques en 1680
  • le bosquet de la Salle de Danse en 1680

Des bassins et des sculptures témoignent de cette période baroque :

  • le bassin d’Encelade
  • le bassin de Latone, sur laquelle Perrault réfléchit avant que sa conception soit confiée en 1666 à Le Brun qui lui même demandera aux frères Marsy d’en assurer l’exécution
  • le bassin d’Apollon qui jusqu’à l’aménagement du grand canal constituait la plus grande pièce du domaine, ce qui ne fut pas sans poser de problème à Le Brun pour occuper un espace si vaste avec des personnages à peine plus grands que nature.
  • le bassin du Dragon réalisé par les frères Marsy, là encore probablement sur des dessins de Le Brun – même si les sculptures actuelles sont de l’avis des experts de pièces copies
  • la sculpture du Millon de Crotone

La recherche de l’effet monumental

Ce qui est exceptionnel et qui perdurera,  en revanche, ce sont moins les formes que l’échelle à laquelle elles ont été mises en oeuvre. Cultivant le gigantisme, Versailles marque de ce point de vue une rupture par rapport aux périodes antérieures. Même à Vaux, les interventions restaient limitées à un périmètre relativement restreint. Sans négliger les considérations utilitaires, ce changement d’échelle veut témoigner de la toute puissance du monarque. Dès 1669, Madame de Scudéry remarque que « malgré la jeunesse des arbres, on ne se souvient jamais avoir vu d’aussi grandes routes conduire à une maison royale. »

Des aménagements dédiées au divertissement

Très vite, les jardins s’enrichissent de deux constructions éphémères dont la réputation fut considérable : la ménagerie et la grotte de Thétis.

Grotte de Thétys

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Sur une idée de Perrault, Le Vau conçoit la grotte de Thétys sous le réservoir d’eau. Conçue comme une loggia ouverte sur le parterre du Nord, la grotte est fermée par trois grilles. La façade est ornée de sept reliefs. Les parois sont tapissées de coquillage, de pierre calcaire et de miroir. Un groupe de sculptures représente Apollon servi par les nymphes et les chevaux du Soleil. Un orgue hydraulique, conçu par François Francine de la célèbre destination de fontainiers d’origine florentine, contribue beaucoup au succès de la grotte. 

Le lieu est célébré par Quinault et Lully, La Fontaine… En 1669, Madame de Scudéry, jamais en reste d’admiration, s’exclame : « les yeux sont ravis, les oreilles sont charmées, l’esprit est étonné et l’imagination est accablée ». Félibien, quant à lui, y voit « un lieu où l’art travaille seul et que la nature semble avoir abandonné ».

Il est détruit en 1684 pour laisser place à l’aile du Nord.

En savoir + sur la grotte de Thétys

Ménagerie royale

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La ménagerie de Versailles est un but de promenade, une étape obligée des grandes fêtes et réceptions de Louis XIV. C’est là, où toute l’Europe des Lumières vient voir des animaux rares du monde entier que le roi fait acheter par la Compagnie française des Indes orientales.

Contrairement à la ménagerie du château de Vincennes, que Louis XIV crée en 1661, pour le spectacle de combats d’animaux sauvages, la ménagerie de Versailles était un lieu de plaisir et de découverte pour la cour, les visiteurs, les artistes et les scientifiques. 

Louis XIV fait agrandir et restaurer la ménagerie en 1698 par Jules Hardouin-Mansart, pour l’offrir à l’épouse énergique du dauphin qui illuminait la cour. La ménagerie devient alors une résidence d’agrément pour un après-midi. Elle possède un jardin d’agréments, une salle « fraiche » avec jeux d’eau et décors de rocaille et même une chapelle. Des bâtiments de ferme avec communs, étables, basse-cour, pigeonnier, laiterie et jardin potager lui sont ajoutés.

Sous Louis XV, la ménagerie tombe dans l’oubli et l’indifférence. L‘architecte Gabriel constate sa dégradation dès 1751. 

> En savoir + sur la ménagerie

A ces deux constructions, il faut ajouter le bosquet du Labyrinthe, également disparu.

Pour les sculptures des bassins, le plomb remplace massivement le marbre (seule exception notable, Latone).

Polychromie et dorure 

La plomb polychrome est utilisée pour :

  • les quelques 330 sculptures du Labyrinthe, aujourd’hui pratiquement tous disparus
  • les huit groupes du Théâtre d’Eau, disparus aussi
  • les Chevaux marins destinés à prolonger sur le grand canal le groupe d’Apollon sur son char, également
  • les corbeilles de fruits et de fleurs surmontant les fontaines dorées de l’allée d’Eau qui perdent leur polychromie à l’initiative de Hardouin-Mansart
  • les sculptures des bassins des quatre saisons, heureusement conservés et aujourd’hui restaurés, même si elles ont été en considérablement simplifiées par Hardouin-Mansart qui a supprimé tous les éléments secondaires

Le plomb doré est utilisé pour :

  • les batraciens du bassin de Latone
  • les fontaines dorées de l’allée d’Eau
  • le serpent Python du bassin du Dragon, mal restauré à la fin du XIXe siècle
  • la France triomphante du bosquet

Style rocaille

Autre mode de l’époque, le style rocaille. Une rocaille désigne originairement les petits cailloux, coquillages, mousses et coraux, qui servent à orner une grotte, à faire des rochers, c’est-à-dire des constructions, imitant une grotte ou un rocher, à vocation décorative que l’on fait dans les jardins, pour leur donner une apparence plus pittoresque.

Le Versailles baroque disparait en grande partie entre 1677 et 1687, avant même l’installation définitive de la cour en 1682 et au moment-même où les jardins d’André Le Nôtre sont pratiquement achevés. 

L’étoile de Le Nôtre pâlît à la fin des années 70. En 1677, Jules Hardouin-Mansart, architecte du roi à partir de 1675, prend l’ascendant. Cette année-là, l’architecte érige deux pavillons dans le bosquet de la Renommée et remplace le bosquet du Pavillon d’Eau par le bosquet de l’Arc de Triomphe. Il remplace le bosquet des Sources de Le Nôtre par le bosquet de la Colonnade en 1685, le bosquet de l’Ile royale par le bassin du Miroir en 1702, la Galerie des Antiques par la Salle des Marronniers et la Salle des festins par le bosquet de l’Obélisque en 1704,  le bosquet du Marais par le bosquet des Bains d’Apollon en 1705.

Les bosquets trop fragiles d’André Le Nôtre ne sont pas les seuls concernés par le changement. La terrasse de Le Vau est changée par Hardouin-Mansart en galerie à partir de 1678. A partir de cette année-là, la construction de l’aile du midi et l’aile du nord est entreprise. Le style rocaille de la cascade du bosquet de la Salle de bal et de la grotte de Thetys devient démodé. La grotte est détruite en 1684 sans regret pour laisser place à l’aile nord sans que sa reconstruction soit un seul instant envisagée. La grandiloquence et l’extrême complexité du Parterre d’eau rêvé par Lebrun ne survit pas à la disgrâce de son concepteur et à un goût qui se veut plus austère : une composition plus simple s’impose en 1685. La décoration des bassins des quatre saisons est simplifiée entre 1681 et 1686 : les motifs secondaires autour du centre de même que les ornements des margelles sont supprimés. Des Amours et le jeune satyre du bassin de Bachus sont réemployés pour les bassins de Trianon. La faïence bleue et blanche du premier château de Trianon ne résiste pas aux rigueurs hivernales. Le grand Trianon qui lui succède en 1687 est construit en pierre apparente bien solide. Les volières dorées de la cour de marbre de même que les trois fontaines sont supprimées.

L’aboutissement du parterre d’Eau de Le Brun de même que la conservation du Trianon de porcelaine, de la grotte de Thétis, du Labyrinthe – progressivement laissé à l’abandon –  aurait pourtant radicalement changé le style de Versailles faisant écho aux très baroques bassin d’apollon et bassin de Latone.

Terrasse du château de Le Vau

Vue du château de Versailles, du côté des jardins, avant 1678

Premier parterre d’eau

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Aménagé à l’emplacement d’un ancien parterre de broderie, le premier parterre d’eau conçu par Le Brun ne ressemble en rien à celui qu’on peut voir aujourd’hui. Ce parterre qui ne sera jamais terminé est composé d’un immense bassin circulaire entouré de quatre bassins secondaires dont deux communiquant avec le bassin central et de deux petits bassins. Seize au moins des vingt quatre statues de la Grande commande sont disposés autour des bassins dont les Quatre Enlèvements aux angles. Au centre de la perspective, un globe de marbre devait être installé entre deux sphinx surmontés par des amours. Le Brun envisageait aussi de placer une montagne surmontée par Apollon au centre du bassin central. Commencé en 1672, le chantier est interrompu par Louvois en 1683. Deux grands bassins sont aménagés en lieu et place d’une composition sans doute démodée pour son exubérance et sa complexité tandis que les allégories des fleuves français et de leurs affluents remplacent les statues mythologiques qui sont éparpillées dans le parc.

En savoir + sur leparterre d’eau

Bosquet du Labyrinthe

Aménagé par André Le Nôtre sur une idée de Charles Perrault, le bosquet du Labyrinthe est constitué de petites salles de verdure. Dans chacune d’elle, des fontaines ornées de rocailles et de coquillages polychromes, dotées de sculptures animalières en plomb « peinte au naturel ». Cette merveille est un des bosquets les plus fragiles. L’eau abime les décors et les sculptures qu’il faut restaurer périodiquement.

Son entretien s’avérant coûteux, Louis XVI ordonne sa destruction. Il est remplacé par l’actuel bosquet de la Reine, d’inspiration anglaise.

En savoir + sur le bosquet du Labyrinthe

Trianon de porcelaine

1024px-17th_century_view_of_the_Garden_view_of_the_Trianon_de_PorcelaineBâtiment d’un seul étage couvert d’une toiture haute et brisée à la chinoise, le Trianon de porcelaine est conçu pour passer « quelques heures du jour pendant le chaud de l’été ». La décoration de faïences bleues et blanches qui couvre entièrement les murs extérieur lui donne son nom. Le sol est pavé de faïence. La totalité des décors, des stucs, des boiseries et du mobilier est peinte en bleu et blanc à la manière de la faïence. Un cabinet des parfums situé dans le jardin ainsi que deux cascades situées à l’emplacement du Buffet d’eau sont également décorées de faïences en bleu et blanc. Construit pour abriter les amours du Roi et de la marquise de Montespan, le château s’impose comme  un lieu de repos et de fêtes. Mais les faïences résistant mal aux hivers rigoureux du XVIIe siècle et le château étant finalement jugé trop exigü, il est détruit en 1687 et remplacé par le Grand Trianon.

La Renommée du Roi

andrelenotre-comCommandé en 1677 à Domenico Guidi par la Surintendance des Bâtiments du Roi, le groupe est placé sur le parterre de l’Orangerie avant d’être déplacé à l’entrée du bosquet de la Colonnade puis en face du bassin de Neptune.

> En savoir + sur le Trianon de porcelaine

A lire :

De Paris à Versailles : les grandes fêtes et les cérémonies de la ville et de la cour aux xviie et xviiie sièclesJérôme de La Gorce

Les fêtes théâtrales de Louis XIV et le baroque de la Finta Pazza à Psyché (1645-1671), Jacques Vanuxem

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> LES 4 AGES DE VERSAILLES

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