La seconde partie du XIXe siècle voit émerger une nouvelle notion : celle de patrimoine. Notion nouvelle car si elles admettent l’existence de réalisations dignes d’admiration, voire de vénération, la monarchie et l’Eglise n’hésitent pas à démolir tout ou partie de leurs édifices pour satisfaire de nouvelles exigences et de nouvelles ambitions. Célébrée par les écrivains et les artistes de l’époque comme un chef d’oeuvre de l’art français, la Grotte de Thétis est détruite sans état d’âme pour laisser place à l’aile Nord du château. Nombre de bosquets subissent le même sort. Et même lorsque Louis XIV exige d’agrandir le château en conservant le bâtiment d’origine, ce n’est pas en raison de ses qualités intrinsèques de l’oeuvre de Philibert Le Roy mais par attachement à la mémoire son père. L’idée d’un patrimoine commun et de sa protection, dépassant la libre disposition des édifices par leurs propriétaires, surgit avec la Révolution.
L’abolition des privilèges soulève la question du statut des oeuvres consacrées à la gloire de l’Eglise, du roi et de la féodalité. Qu’en faire ? La réponse la plus immédiate ne laisse planer aucun doute : les détruire. La prise de la Bastille et sa destruction ouvre une vague de « vandalisme » qui se propage durant plusieurs années. Il faut attendre 1794 pour que la réaction devant l’ampleur des dégradations suscite une première directive sur le recensement et la sauvegarde des objets dignes de l’intérêt de la nation au nom de l’édification des générations futures mais aussi d’une nécessaire distinction entre la tyrannie des commanditaires, la dimension historique et la valeur artistique des oeuvres.
Dès 1833, les travaux de Louis-Philippe entrainent la démolition des somptueux appartements de Madame Elisabeth ainsi que du comte et de la comtesse d’Artois. Le splendide escalier des Ambassadeurs est également détruit tandis que la galerie de Mignard est éclatée en une multitude de cabinets, boudoirs et petits passages. Ne réchappent de cet immense chantier de restructuration que la Chapelle et l’Opéra, la galerie des glaces et ses deux salons, la chambre de Louis XIV et le cabinet du Conseil. Tous les décors intérieurs des appartements princiers sont détruits. La création du musée fait consensus et le prix à payer pour leur aménagement ne suscite aucun regret.
Alors que château perd définitivement son statut de résidence et gagne celui de patrimoine national, que faut-il préserver et quel état antérieur s’agit-il de retrouver ? Les contemporains de Viollet-le-Duc l’ignorent mais le débat n’en est alors qu’à ses débuts.
Première question. Faut il ressusciter ce qui a disparu ? Pour les romantiques c’est évidemment absurde tant la mort est un processus inhérent à la vie. Pour les partisans de la renaissance, la réponse est beaucoup plus ambigüe.
Grand architecte de la restauration des monuments français, auteur d’un Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe et XVIe siècle, Viollet-le-Duc pose que « restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné », c’est « rendre à l’art sa vigueur primitive ». Pour les édifices de chaque époque, l’architecte postule un idéal-type dont il convient de retrouver la perfection. Non seulement les ajouts postérieurs au moyen-âge sont supprimés, surtout ceux qui datent des XVIIe et XVIIIe siècles, mais on prend des libertés pour refaire des sculptures et des éléments d’architecture. Les sculptures s’inspirent ainsi de modèles trouvés à Chartres tandis que la nouvelle flèche de la cathédrale de Rouen copie celle de Salisbury.
En dépit du prestige considérable de Viollet-le-Duc, cette méthode qui laisse une grande liberté d’appréciation à l’architecte pour réécrire le moyen-âge suscite certaines interrogations et quelques réserves. Découvrant les monuments antiques de Nîmes après leur restauration, Prosper Mérimée s’étrangle : « On a poussé trop loin les restaurations. (…) Au lieu de se borner, comme on aurait dû, à consolider les parties qui menaçaient ruine et dont la destruction aurait compromis l’édifice, on les a refaites entièrement; c’est une reconstruction et non une réparation que l’on a essayée. » Précisant sa pensée, il écrit « lorsqu’il s’agit de supposer, de suppléer, de recréer, je crois que c’est non seulement du temps perdu mais qu’on risque de se fourvoyer. » Comme en écho, l’architecte et historien d’art italien, Camille Boito préconise une étude critique des documents et des sites préalablement à toute intervention.
Toute autre est la position anglaise incarnée par John Ruskin, auteur de deux livres majeurs publié à la même époque que le Dictionnaire de Viollet-le-Duc : Les Sept lampes de l’architecture et Les pierres de Venise. Adepte du respect absolu du temps, l’écrivain britannique préconise de laisser telles quelles les traces du passé. Cette conception est reprise dans les années 1860 par le fondateur du mouvement des Arts and Crafts, William Morris.
A Versailles, certains projets de reconstruction sont abandonnés (le labyrinthe, le théâtre d’eau..) d’autres se concrétisent (la grille royale, le bosquet des Trois fontaines, celui d’Encelade…) sans que l’on sache exactement pourquoi. Un point fondamental séparent néanmoins romantiques et adeptes de la renaissance : les uns cultivent le respect du temps qui passe et des traces qui use quand les autres s’emploient à les effacer.
Mais qu’essaye au juste de réparer les partisans de la renaissance ? On pourrait penser que les restaurations visent essentiellement à effacer les restructurations de louis philippe qui ont, de l’avis général, dénaturé en partie le palais des bourbons. C’est en partie vrai. La carcasse du château est à bout de forces, le musée de Louis-Philippe n’est plus montrable, le parc est devenu un jardin municipal. Le tour de force de Nolhac sera d’y faire revenir l’esprit, la littérature et l’histoire. La restauration des appartements princiers est sa grande oeuvre. Arrivé en tant qu’attaché de conservation en 1887, année de la première loi sur la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique national, Pierre de Nolhac est nommé conservateur du musée en1892. On assiste alors à un renversement entre les deux identités de Versailles. Le musée de Louis-Philippe passe à l’arrière-plan au profit de l’identité palatiale. Le plus paradoxal c’est que cette mutation est le fait d’un conservateur et non d’un architecte. Impensable quelques années plus tôt, sous le second empire ou sous une République encore fragile, les premières décisions de Pierre de Nolhac consistent à vider le château de ses occupants et à démonter une partie des installations des Galeries historiques commandées par Louis-Philippe pour restituer les appartements de la partie centrale du château. Partisan d’un retour à l’état 1789, il s’emploie au rétablissement d’éléments encore existants à leur emplacement d’origine (boiseries, cheminées, statues…) ou par la dépose d’éléments postérieurs au XVIIIe siècle comme au Grand Trianon. Si Pierre de Nolhac ressuscite Versailles, c’est aussi parce qu’il sait écrire. Il organise des expositions, des fêtes, des concerts, des feux d’artifice, Versailles redevient populaire.
Ce travail s’inscrit dans le cadre d’une politique de préservation du patrimoine. A l’origine, il s’agit avant tout de préserver les sites et les édifices les plus anciens ce qui explique en partie qu’il ait fallu attendre 1862 pour que Versailles soit classé monuments historiques.
A l’origine, la grille d’Hardouin-Mansart était destinée à relier deux ailes qui ne sont plus visibles aujourd’hui. Sa reconstitution établit un état qui n’a jamais existé. Aucun rapport avec Louis Philippe, sinon le déplacement effectué à cette occasion de la statue équestre de Louis XIV que le roi des Français avait décidé de placer à l’entrée de la cour de marbre. La reconstruction des bosquets de l’Encelade et des Trois fontaines a salle de bal ne visent pas non plus à revenir sur l’époque Louis-Philippe. Le premier bosquet a été victime du temps et le second détruit sur ordre de Louis XV. La charge contre les louis Philippiens est donc largement infondée. De là à imaginer qu’il s’agit de montrer par tous les moyens que les romantiques sont plus respectueux du Versailles frelaté de louis philippe que du Versailles authentique et pré-révolutionnaire, il n’y a évidemment qu’un pas.
Dès les années 1860, Versailles redevient à la mode. Les lettres de la princesse Palatine sont éditées en français en 1861.
Les architectes interdisent le prolongement de l’aile Gabriel en remplacement de la Vieille mais ils autorisent en 1985 la fin de la construction du grand escalier dessiné par Gabriel en 1772.
En termes de matériaux utilisés, il semblerait que la qualité ne soit pas toujours au rendez-vous. La construction de l’escalier de l’aile Gabriel se voit critiquée pour utiliser des matériaux contemporains.
La dorure est abondamment employée. il est vrai que son usage facilite la perception des sculptures. Pour s’en rendre compte il suffit de regarder celles du bassin de Neptune qui, aujourd’hui, se mêlent dans une même grisaille. Mais qu’en sera-t-il lorsqu’il s’agira de restituer les couleurs des motifs des fontaines en plomb comme ceux du bassin de l’Ile des Enfants ou des bassins des Saisons ?
L’escalier de Gabriel
Au début des années 80, les conservateurs, Pierre Lemoine et Jean Dumont mettent à exécution bien maladroitement le vieux projet de Gabriel d’escalier monumental dans l’aile Neuve.
La Grille royale
La grille est réalisée sous le règne de Louis XIV par Jules Hardouin-Mansart vers 1680 et déposée dans les dernières années du règne de Louis XV. Sa reconstruction entre 2005 et 2008, financée par une entreprise privée, donne lieu à une vive polémique. Première raison : le non-respect du « dernier état connu ». La reconstruction fait abstraction de l’histoire de Versailles au XIXe siècle pour revenir à l’état du XVIIe siècle. Deuxième raison : la faiblesse des sources. Les gravures d’époque se contredisant, il est extrêmement difficile de connaître de manière précise l’ornementation de cette grille. Troisième raison : le projet ne correspond à aucun état ayant existé, puisque si l’aile Gabriel est antérieure à la grille, le pavillon Dufour, lui, a été construit après.
Pour Béatrix Saule, directrice du musée du château, ce nouveau chantier se place dans la continuité des interventions réalisées depuis le début du XXe siècle, qui visent à présenter le domaine royal dans un état reflétant au mieux celui de la fin de l’Ancien Régime. D’un point de vue fonctionnel, la grille sert également à maîtriser le flux des visiteurs.
Versailles envahi par le doré
Dans le palais et les jardins du Roi-Soleil, l’or est partout : sur les grilles, les toits, les sculptures, les boiseries et les plafonds ! Les opérations de restauration successives se donnent pour objectif de renouer avec les ors de la royauté louis-quatorzième.
Après les vases du bosquet de la Salle de Bal, la France triomphante, les sculptures du bassin de Latone, les chérubins du bassin des Enfants dorés, les toitures du château de Louis XIII viennent d’être restaurés et recouverts de feuille dorée. La rénovation de La Chapelle royale sera également l’occasion de dorer le fait de la toiture et certaines des sculptures.
Le spectacle du château côté ville promet d’être impressionnant. La Grille royale et les balcons et garde-corps reconstruits, dorés en plein, répondent aux ornements également dorés des toitures. Dorée également, la crête de cuivre surmontant la chambre du roi s’harmonisait ainsi complètement avec les plombs tandis que les quatre pavillons des ailes des Ministres offraient un écho en mode mineur à cette profusion éclatante. Sur les ferronneries, la progression en majesté s’appliquait aux grilles des écuries, dont seuls les ornements étaient dorés, le reste de l’ossature étant simplement peint, sans doute en couleur de fer, c’est-à-dire noir, ainsi que le recommandaient les traités du temps.
Les ors s’étaient estompés. Voici aujourd’hui qu’ils brillent de mille feux. Une apparence kitsch que regrettent certains et qui pour d’autres incarne avant tout la richesse et le raffinement de Versailles.
Les réactions divergent selon les goûts et l’idée que chacun se fait à la fois de ce que doit être une restauration et le plus beau palais du monde.
Au sujet de la restauration du bassin de Latone, Didier Rykner écrit : « La dorure (celle qu’adore l’ architecte en chef de Versailles puisqu’on en met partout, et bientôt sur la chapelle) violemment brillante qui a recouvert les sculptures en plomb du bassin de Latone n’a rien à voir avec celle d’origine. Que celle-ci n’ait plus existé (une première restauration en faux or avait eu lieu dans les années 1980) n’empêchait pas de restaurer conformément à la technique d’origine. L’emploi de l’or produit en outre, comme le remarque Alexandre Gady dans l’une de ses tribunes de L’Objet d’Art, un effet regrettable d’amaigrissement des sculptures, qui reflètent plus qu’elles ne retiennent la lumière. Pire, cette dorure clinquante inverse la hiérarchie de la composition, Latone paraissant soumise aux grenouilles ! » L’ensemble de l’article : http://www.latribunedelart.com/versailles-en-mieux-ou…
à l’origine c’était plus mordoré que clinquant
trop doré, Trop clinquant, tape-à-l’oeil
c’est parfois vraiment kitsch, notamment les bassins secondaires du groupe de Latone. Ça
plaire à l’image que s’en fait le touriste asiatique
Une couleur un peu plus patiné nous aurez rapproché davantage du Versailles d’ antan
Versailles est plus clinquant qu’il ne le fut paradoxalement, sans doute que ça corresponds mieux ainsi au goût de certaines touristes étrangers qui ont en tête beaucoup plus de clichés que de réalité historique
ette dorure fait ‘BLING BLING’
Versailles, sous Louis XIV, avait pour but -politique – de faire « bling-bling » … la galerie des glaces, jusqu’en 1689, était meublée de meubles en argent massif… pour impressionner les Etrangers et bien leur faire comprendre que la puissance financière (un peu illusoire) du roi de France était suffisante pour soutenir n’importe quelle guerre…
L »aristocratie était bling bling. C’est la bourgeoisie qui a imposé ses valeurs . Il n’y a qu’à voir l’évolution du costume en particulier pour les hommes.
pense donc que Louis XIV aurait sûrement apprécier cette dorure bien plus brillante qu’à l’époque car elle aurait été d’autant plus surprenante.
Qui se dévoue pour sniffer les vapeurs de mercure si vous voulez le coté doré délabré du 20e siècle ?
une dorure surtout à l’extérieur perd de son brillant assez rapidement
La coupole des invalides à ete dorée à la feuille d’or en 1989 …elle a encore quelques années brillantes à vivre .ce n’est pas plus mal car cela coûte très cher
cela rajoute de l’éclat
cela montre la richesse de la royauté française
J’ai été antiquaire et celà ne me choque pas du tout
J’ai l’impression que les scuptures redorées sont plus expressives et ont plus de relief.
ça pique les yeux et on ne remarque plus les détails des statues.
On s’y fait
Les intempéries feront le travail.
La dorure va se patiner c’est sur
L’encelade, redoré il n’y a que vingt ans, est déja bien terne!
Ainsi que le rappelle Emmanuel Couly, Versailles, le « bling-bling » louisquatorzien avait un but politique : « la galerie des glaces, jusqu’en 1689, était meublée de meubles en argent massif… pour impressionner les Etrangers et leur faire comprendre que la puissance financière (un peu illusoire) du roi de France était suffisante pour soutenir n’importe quelle guerre… Cela servait aussi à impressionner les courtisans et à les soumettre, si besoin était, au roi. »
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