Apparus dès le xviiie siècle, les jardins à l’anglaise s’organisent selon des cheminements sinueux ouvrant sur des points de vue « pittoresques » (qui appartient, qui est relatif à la peinture) : ces points de vue sont des lieux où un peintre aimerait à poser son chevalet.
Il est donc normal que leurs concepteurs soient fréquemment des peintres. Loin du système géométrique des jardins classiques, conçus principalement par des architectes, ils mettent en valeur à travers les points de vue un élément de la nature remarquable : arbre rare au feuillage coloré, tronc torturé, pelouse, ruisseau, étang, prairie ou même éboulis et précipice. Le peintre William Kent (1685-1748) crée les premiers jardins paysages.
La composition du point de vue répond aux règles de composition du tableau. On recherche l’équilibre des volumes cette fois sans la ligne droite imposée, on recherche la variété et l’accord des coloris et des matières végétales.
À la perspective optique, exploitée dans le modèle classique, on substitue la perspective atmosphérique, inspirée de la peinture anglaise, dans laquelle les effets de profondeur sont créés par la brume qui noie les lointains ou bien par la variation des feuillages des différents bosquets du jardin.
L’organisation du jardin à l’anglaise en une succession de points de vue pousse les concepteurs à exploiter ou accentuer plutôt qu’à corriger les accidents du site. Les reliefs deviennent ainsi des belvédères, les escarpements des grottes. Les étendues sont travaillées en miniaturisation. Elles deviennent totalement symboliques de l’espace naturel à grande échelle qui fournit les moyens d’habitat et les denrées vitales fournies par les végétaux et les animaux. La forêt à bois de chauffage et bois de construction devient bosquet. La prairie à brouter devient gazon tondu. L’étang de pêche devient lac d’agrément. Le jardin est l’écrin de la demeure (ou du kiosque ou de la fabrique de jardin).
Historique du jardin à l’anglaise
Jusqu’au xviiie siècle, l’influence française s’est répandue en Angleterre à l’architecture et à l’art des jardins. Les compositions « à la française », issues du jardin à l’italienne, sont extrêmement structurées, comportent des parterres géométriques, des jeux de symétrie et de perspective. L’objectif est alors de domestiquer la nature et de démontrer la puissance humaine. Les jardins commémoratifs de victoires militaires exemplaires élaborés à partir de ce modèle classique sont d’étendues imposantes.
Le maître jardinier Georges London (en) porta ce style à l’extrême du « classique hollandais » avec des buis strictement taillés en formes vertes immobiles selon l’art topiaire.
La vogue de ce type de jardin prit fin en Angleterre sous l’influence d’une esthétique privilégiant la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique, où la forêt, la montagne ne sont plus symboles de danger. Par influence des contacts pris en extrême-orient2, le formalisme géométrique occidental est transformé en dehors de la symbolique occidentale originelle portée par des plantes : couleur des fruits (par exemple plantes à fruits jaunes côté lever du soleil) et nombres particuliers de plants (système harmonique du Moyen Âge basé sur le chiffre 8). Cette symbolique avait été présente dans les formulations du jardin médiéval clos puis oubliée par l’invention des bosquets (en) de mise en perspective dans les jardins de la Renaissance. Le jardin anglais ne s’apparente plus aux « jardins de curé » , jardins fonctionnels d’origine.
Dès le milieu du xviiie siècle, dans une Angleterre en pleine pré-industrialisation, le jardin irrégulier devient une réaction assumée à la rigidité et la pauvreté de l’architecture des fabriques provenant du système économique des hangars. La bataille d’opinions de l’époque « nature utile à la subsistance de l’homme et nature représentative de la grandeur de l’homme » fut établie en Angleterre et son économie agricole non auto-suffisante[pas clair] (problème du rendement surfacique agricole utile contre implantation naissante des pelouses gigantesques de gazon anglais d’apparat par exemple, voir utilitarisme). L’objectif de ce jardin nouvelle forme n’était plus de donner pour l’apparat le sentiment de contrôler la nature, de lui faire prendre des marques au gré de l’homme, mais d’en jouir. Cette conception aboutit aussi à la révision de l’idée de beauté dans la forme et la taille des jardins (mouvement valable aussi bien pour les agglomérations d’habitation) : « small is beautiful », pour rester à une échelle humaine.
Cette conception formelle du jardin devenu « jardin à l’anglaise » allait être adoptée dans toute l’Europe. Cette nouvelle forme de parc à parcours sinueux s’établit dans le même mouvement en France peu décalé dans le temps où cette forme est dite « jardin anglo-chinois » ou « sino-anglais ». Elle n’est pas en France porteuse des mêmes considérations globales sur la société. ÀVersailles, un jardin à l’anglaise est réalisé au Petit Trianon pour la reine Marie-Antoinette. Vallonné de collines artificielles, il comprend un petit lac, une grotte et un belvédère. Un réseau de chemins de promenades offre une multitude de points de vue soigneusement calculés sur tous les éléments remarquables du paysage. Dans cette conception prend sa place la serrebotanique qui s’est développée à la place de l’orangerie classique.
Caractéristiques du jardin à l’anglaise
Le portrait aristocratique sur un fond de jardin anglais dans la peinture deThomas Gainsborough
- Sa conception est irrégulière : chemins tortueux, végétation en apparence non domestiquée donnant une impression naturelle. Les accidents du terrain (vallons, pentes) sont conservés et exploités ;
- présence d’arbustes, de fourrés et d’éléments architecturaux participant à sa décoration : fabrique de jardin, rochers, statues, bancs ;
- association de diverses espèces ornementales. Les formes et les couleurs des végétaux sont variées. Les pelouses et les chemins agrémentant le jardin incitent à flâner ;
- l’itinéraire n’est pas balisé : la promenade dans un jardin à l’anglaise laisse une grande part à la surprise et à la découverte. Pas d’allées rectilignes guidant les pas du promeneur mais plutôt une sorte « d’errance poétique ».
Ce type de jardin n’est pas seulement un lieu clos. Il se veut paysage. Il se veut œuvre d’art.
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