Les Plaisirs de l’Isle enchantée : illustrations (1664)

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Deuxième grande fête du règne personnel, après celle du Grand Carrousel qui fut donnée place des Tuileries en l’honneur de la naissance du Dauphin les 5 et 6 juin 1662, les Plaisirs de l’Isle enchantée marquent les esprits contemporains par leur faste et scelle la complémentarité féconde des arts qui irrigue la saison festive des décennies 1660 et 1670. Illustrations du « département de la gloire », les fêtes de mai 1664 permettent la manifestation glorieuse du roi devant un public choisi (courtisans, grands officiers de la Couronne, corps diplomatique) au cours d’un spectacle féérique mettant en scène le souverain sous une identité allégorique. Cependant, Louis XIV est sensible à l’association du peuple à la fête et renoue après 1667 avec la tradition des spectacles royaux ouverts au plus grand nombre (pour les Plaisirs de l’Isle enchantée, trois mille personnes avaient été refoulées à l’entrée du château de Versailles…). Commandés par le roi, conçus par le machiniste et décorateur Carlo Vigarani et organisés par le duc de Saint-Aignan, premier gentilhomme de la chambre, les divertissements du printemps 1664, dits Les Plaisirs de l’Isle enchantée, reprennent un épisode du Roland furieux de l’Arioste. Dans cet épisode du célèbre roman du poète de la Renaissance italienne, le chevalier Roger est retenu enchanté par la magicienne Alcine, avant d’en être délivré par la bague de son amante Angélique. Pour l’occasion, le département des Menus Plaisirs s’est associé à celui des Bâtiments du roi, dont Colbert a pris la tête quelques semaines auparavant. Une organisation structurée se met au service d’une économie de la gloire royale. Du 7 au 13 mai 1664, les jardins du château de Versailles s’illuminent au son des tambours et des violons pour célébrer la monarchie de Louis XIV. Les fêtes des Plaisirs de l’Isle enchantée durent trois jours et mêlent défilés, représentations théâtrales, spectacles nautiques et pyrotechniques, banquets et jeux équestres, constituant ainsi « une anthologie des plaisirs licites proposés à l’homme de cour » (Apostolidès). Elles sont suivies de quatre jours de divertissements, le tout s’adressant à des courtisans triés sur le volet. Le soir de la première journée (7 mai – première gravure), un carrousel représente Roger, suivi d’Apollon sur son char dominant les quatre siècles (d’airain, d’or, d’argent et de fer) et conduit par le Temps. C’est cette scène que représente la première gravure, sur laquelle on distingue nettement Roger, figure centrale du premier plan jouée par Louis XIV et entourée de ses compagnons chevaliers, et le char d’Apollon à l’arrière-plan gauche. L’ensemble est inscrit dans un théâtre de verdure que le cadre de la gravure et les six cents courtisans spectateurs assis sur des gradins viennent fermer comme une scène. Dressée dans l’allée royale du château et close par des palissades de verdure entrouvertes de portiques aux armes du roi, la scène voit se succéder un magnifique défilé, puis une course de bague entre les chevaliers, un cortège de musiciens et de comédiens à la lueur des flambeaux et des bougies, parmi lesquels la troupe de Molière tient la première place, et se termine par un banquet offert au roi et à la reine. Le lendemain (8 mai), Molière crée La Princesse d’Élide, comédie-ballet en cinq actes et six intermèdes chantés et dansés sur une musique de Lully. Le troisième jour (9 mai – seconde gravure)), c’est au tour d’Alcine d’entrer en scène, sous les regards du roi et des deux reines (la reine-mère Anne d’Autriche et la reine Marie-Thérèse) abrités sous un dais. La magicienne apparaît sous les traits de la comédienne Du Parc sur une île artificielle installée sur le lac et entourée de créatures fantastiques (monstres marins, nymphes…) qui se livrent à un ballet. Le palais d’Alcine, construit sur l’île pour la circonstance, est alors le lieu du dénouement : la magicienne ne peut empêcher Roger de passer à son doigt la bague qui rompt l’enchantement. Le tonnerre et les éclairs précèdent un gigantesque feu d’artifice qui embrase le ciel et se déploie sur les ruines du palais d’Alcine vaincue. C’est cette apothéose que le graveur a représentée, selon les mêmes procédés de mise en scène que sur la gravure de la première journée (clôture de l’espace, présence de la cour-spectatrice). Acmé du spectacle, le feu d’artifice en signifie également le dénouement heureux et la libération de Roger. Vigarani a ainsi joué des effets de perspective et de mise en valeur des jardins royaux pour faire du feu d’artifice un moment d’émerveillement collectif. Les jours suivants (10-13 mai), des courses alternent avec une visite de la Ménagerie, une loterie, et des représentations de pièces de Molière, en particulier celle – qui déplut au roi qui la fit interdire – des trois premiers actes de Tartuffe le 12 mai. …… Les gravures de Israel Silvestre et de François Chauveau, tous deux Graveurs du Roi depuis 1662, assurent la publicité de l’événement. Elles participent à la politisation de la fête royale comme une mise en scène du monde.