
En 1686, Louis XIV émet le souhait de créer « à Trianon un petit jardin de fleur, fermé et particulier ». Ce « jardin particulier du roi », caractérisé par ses petites dimensions, la richesse horticole de sa composition végétale, sa clôture et son usage privé royal existe déjà en Angleterre. Le premier a été créé en 1529 au palais de Hampton Court par Henri VIII, le second est aménagé en 1689 pour Guillaume III.
Louis XIV intervient personnellement dans la création des jardins du nouveau Trianon de marbre en corrigeant les propositions présentées par André Le Nôtre, dont celles concernant le « jardin particulier du roi4 ». Situé à l’arrière de l’aile nord du nouveau Trianon de marbre achevé en 1688, il est constitué d’un parterre cintré à son extrêmité par un bassin circulaire. Il est délimité par les deux ailes en retour d’équerre du château et par un haut mur de pierre recouvert de treillages. ouis XIV écrit vers 1690 uneManière de montrer les jardins de Versailles où, du « Salon du haut de la galerie » à Trianon, on « montrera le Jardin du Roy », signifiant ainsi que l’on ne pouvait que le voir de l’intérieur du château
« Le Roy veut que son petit Jardin soit toujours garny de fleurs, et qu’aussi tost qu’il y en a une de passée, l’on en remette une autre. Le Jardinier aura un soin particulier d’élever des fleurs de toutes especes dans des pots pour en avoir toujours consecutivement en fleurs a fin de faire les changemens de decorations que sa majesté desire ». À cet effet, un système de pots enterrés dans la terre avec des plantes en fleurs est mis en place. Une importante pépinière, véritable unité de production florale aussi grande que le jardin lui-même, permet de remplacer immédiatement les plantes fanées tout au long de l’année.
En 1703, Louis XIV fait déplacer pour la troisième fois son appartement – qui se trouvait alors dans l’aile gauche de Trianon donnant sur le Parterre haut – et le fait installer dans l’ancien théâtre, donnant ainsi directement accès de cet appartement au « jardin du Roi » dont le tracé est transformé : le parterre monopartite est divisé en quatre parterres de « découpés » séparés par une allée en patte-d’oie. Le groupe des Amours aux tournesols (fleur emblème de Louis XIV toujours orientée vers le soleil) provenant de la salle des Antiques à Versailles sculpté par Jean-Baptiste Tuby est installé en 1704-1705 dans le bassin.
À la fin du XVIIe siècle, le fleurissement en toute saison au moyen de pots changés tous les quinze jours se limite au « Jardin particulier du roi26 ». En effet, les « découpés » de fleurs des Parterres hauts et bas devant le château ont été transformés en « découpés » de gazon, appelés « parterres à l’anglaise », eux-mêmes entourés d’une plate-bande de fleurs. Louis XV conserve le « jardin du Roi » de son aïeul. Après divers remiements, le « jardin du Roi » est reconstitué en 1892 d’après le modèle de 1703 de Jules Hardouin-Mansart.
Aujourd’hui, les différentes histoires du jardin du Roi à Trianon peuvent s’y lire à ciel ouvert : le tracé quadripartite évoque – sans lui ressembler exactement – celui que Jules Hardouin-Mansart avait mis en place en 1703 ; le mur amputé témoigne des bouleversements résultant de la période suivant la Révolution, tandis que le nouveau tracé de 1892, toujours visible aujourd’hui, illustre la réinvention de Le Nôtre à la fin du XIXe siècle.