André Le Nôtre

L’artiste portuguaise Joana Vasconcelos s’expose à Versailles – Juin 2012

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Nouvelle polémique

Si l’on en juge par la taille XXL de ses escarpins rutilants, faits d’un assemblage de casseroles, abandonnés comme à la fin du bal au cœur de la galerie des Glaces, Joana Vasconcelos n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds. Invitée à exposer au château après Jeff Koons, Xavier Veilhan, Takashi Murakami et Bernar Venet, l’artiste portugaise n’a pas caché, lors de l’inauguration, sa colère d’avoir été « censurée » .

Objet du litige :  l’A Noiva  (la mariée), un lustre de plusieurs mètres de haut, entièrement composé de tampons hygiéniques immaculés, qui se veut un hommage à la féminité. La nouvelle présidente de Versailles, Catherine Pégard, dans une décision « prise collégialement »  avec son équipe, a refusé cette œuvre qui risquait de choquer certains visiteurs du château. 

 « L’ A Noiva a déjà fait scandale dans le passé,  reconnaît Joana Vasconcelos, mais c’est pour cela qu’elle est intéressante. Elle révèle finalement jusqu’où les femmes sont acceptées ou non. La perte de leur sang reste plus ou moins associée à une idée d’impureté. À Versailles, j’ai voulu dédier tout le parcours aux femmes. Cette pièce, la plus importante de mon travail, celle par laquelle j’ai été reconnue sur la scène internationale, en 2005 à la Biennale de Venise, devait donc être là ! »  

Cœurs en plastique et lions en dentelle

Cette liberté crânement revendiquée se retrouve cependant dans les quinze autres œuvres disséminées par l’artiste dans le château et le parc où la figure de l’envol revient comme un leitmotiv. Démonstration dès l’entrée de l’escalier Gabriel avec cette Mary Poppins , clin d’œil à l’héroïne des suffragettes, lévitant dans l’air, à la façon d’une montgolfière gonflée de tissus multicolores. 

Pieuvre géante à six bras, elle incarne le symbole d’une féminité à la fois féconde, protectrice et dévouée à une multitude de tâches. Et rend un vibrant hommage avec ses plumes, paillettes, et pampilles aux savoir-faire géniaux des couturières et crocheteuses portugaises, telles ces femmes de Nisa, un village de l’Alentejo, qui ont collaboré avec l’artiste pour ces œuvres de la série des Walkyries .

Formée à l’ AR.CO, l’École des arts appliqués de Lisbonne, et ayant appris durant sept ans les techniques de la joaillerie, Joana Vasconcelos aime à valoriser dans ses créations les artisanats d’exception de son pays. Les cœurs de Viana, ces bijoux en filigrane du nord du Portugal, sont ainsi évoqués à travers les deux Cœurs indépendants  géants, malicieusement ciselés avec des couverts en plastique : l’un rouge suspendu dans le salon de la Paix, l’autre noir dans le salon de la Guerre, aux deux extrémités de la galerie des Glaces. 

Dans la chambre de la Reine, un énorme œuf en marqueterie d’où sortent, au bout de trompes, des perruques de longs cheveux entend rappeler, selon l’artiste, les 19 naissances royales qui eurent lieu à cet endroit. Tandis que dans la salle des Gardes, deux lions de marbre noir, entièrement recouverts d’une dentelle au crochet des Açores, jouent avec ironie du contraste entre la pierre dure et froide et sa résille arachnéenne, armure aussi douce que dérisoire.

Chiffons et brocards entremêlés d’armes

On passera vite dans les jardins où le parcours s’essouffle entre une méga-théière en fer forgé et le porte-bouteilles, hier élevé au rang d’œuvre d’art par Marcel Duchamp, ici transformé en fontaine-luminaire. Mieux vaut s’arrêter au final orchestré dans la galerie des Batailles. 

Là, face aux 33 peintures rassemblées par Louis-Philippe pour commémorer les grands combats de l’Histoire de France, Joana Vasconcelos a suspendu trois de ses Walkyries géantes, ces divinités secourables venues relever les guerriers morts pour les emmener au paradis du Walhalla. Une chevauchée fantastique où le moelleux et l’exubérance des chiffons et brocards d’or étouffe le cliquetis des armes. 

Tout au bout, une dernière surprise attend le visiteur avec le Lilicoptère  : un hélicoptère Bell de 1947 (le premier utilisé en série par l’armée) couvert de plumes d’autruche rose et – comme cet oiseau– pathétiquement cloué au sol, enfermé avec ses grandes pales dans cette prison dorée trop étroite. Joana Vasconcelos aime à dénoncer le carcan de la condition des femmes, reines et artistes comprises, à Versailles.

Intégralité de l’article sur lacroix.com

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